Groupe de travail “Émotions et mobilisations”

Notre-Dame de Paris après l’incendie : un observatoire des patrimonialités contemporaines

Le 15 avril 2019, l’incendie et la destruction de la toiture de Notre-Dame de Paris déclenche une émotion internationale dont les manifestations dépassent largement les frontières des communautés religieuses et nationales touchées par la dégradation de la première des cathédrales et de l’un des monuments majeurs du patrimoine français. L’on peut se pencher sur les effets de cette catastrophe dans sa singularité, au plus près des acteurs qui ont lutté contre l’incendie, des populations qui voisinent avec le monument et des spécialistes qui s’occupent aujourd’hui de la restauration, tout en rappelant l’inscription de Notre-Dame dans les récits nationaux français. Le groupe de travail Émotions-Mobilisations s’attelle à cette tâche en étudiant le devenir des restes de l’incendie, entre matérialités et sacralités, et les pratiques de médiation patrimoniale bouleversées par la catastrophe qui interdit la visite et le contact physique des visiteurs avec la cathédrale.

En bref :

Plus de vingt chercheurs, appartenant à 9 laboratoires, en collaboration étroite avec les professionnels du patrimoine ; des partenariats (Icomos International, Iconem…) ; un chantier-école en cours de mise en œuvre (INP, École du Louvre, Cergy Paris Université).

3 axes de recherche :

1 – Matérialités et Sacralités (coord. Claudie Voisenat, UMR 9022 Héritages, ministère de la Culture)
2 – Médiations, Réceptions, Appropriations (coord. Sylvie Sagnes, UMR 9022 Héritages, CNRS)
3 – Approches comparatives (coord. Cyril Isnart, IDEMEC, UMR 7307, CNRS)

Sur quoi le GT Émotions/Mobilisations travaille-t-il ?

Sur les affects déclenchés par l’incendie de Notre-Dame de Paris, les imaginaires qui les sous-tendent, leurs effets, non seulement dans le champ social dans son ensemble mais aussi au sein de l’institution patrimoniale elle-même.


Notre-Dame, comme tout patrimoine, n’est pas constituée que de pierres, de bois ou de vitraux. Elle est l’agrégat d’une multitude de composés – événements historiques, discours savants, œuvres littéraires ou artistiques, dispositions juridiques – pris dans les flux qui constituent notre modernité – circulation des personnes mais aussi des images véhiculées par la communication de masse – et disponible pour de multiples formes d’appropriations – politiques, religieuses, culturelles, collectives ou individuelles.


On cherchera à cerner la diversité des sens que chacun (professionnels du patrimoine, politiques, scientifiques, architectes, compagnons, entreprises chargées de la sécurisation et de la restauration, catholiques pratiquants, riverains…) donne à son attachement à la cathédrale et à son implication dans son devenir. On analysera l’expérience de la visite à Notre-Dame avant l’incendie en l’éclairant selon trois perspectives : son inscription dans la biographie des individus ; sa place dans les divers imaginaires nationaux ou dans ceux des communautés délocalisées ; ses parcours dans les flux de la communication de masse avec ses circulations d’images et de récits. On s’attachera à comprendre la façon dont l’incendie a profondément changé le sens de la cathédrale elle-même, mais aussi des récits et des médiations qui la font exister dans l’espace public. Comment il a aussi profondément modifié le statut des éléments et des objets affectés par l’incendie, redistribuant les rapports et les valeurs, entre matérialité, immatérialité et sacralité, entre scientifique, culturel et cultuel.


Dans la crise patrimoniale que l’incendie a ouverte, chacun s’est exprimé. Chacun a dit sa tristesse, sa colère, son désarroi. Chacun a pris position. Pour ou contre la restauration à l’identique de la flèche. Pour ou contre ces dons qui faisaient ressortir, par contraste, l’indifférence à d’autres causes, sociales ou écologiques. Toutes ces paroles expriment le sentiment que l’on ne peut pas faire n’importe quoi avec Notre-Dame. Elles affirment qu’elle est un bien commun dont chacun peut revendiquer la jouissance et la responsabilité.


Il faut donc écouter ces voix, observer ces actions, pour mieux comprendre comment le passé s’incarne dans la société contemporaine. Il faut prendre au sérieux ce qu’elles ont à dire, leur expertise, pour confirmer que le patrimoine est bien un héritage commun et éclairer les façons dont chacun se l’approprie.

Qui sommes-nous ?

Des spécialistes des sciences sociales, majoritairement anthropologues, mais aussi sociologues, historiens, juristes… analysant collectivement ce matériau à partir de terrains et points de vue permettant de rendre compte de la diversité des situations, des acteurs sociaux et des angles d’analyse possibles.